La jouissance gratuite du domicile conjugal peut-elle s’avérer onéreuse ?
Lorsque les époux ne se sont pas mis d’accord sur l’intégralité des modalités de leur divorce, l’un d’eux va déposer une requête en divorce dans laquelle il va demander, notamment, au Juge aux Affaires Familiales de se prononcer sur l’attribution de la jouissance du domicile conjugal durant la procédure.
Le différent entre les époux porte souvent sur le maintien au domicile conjugal de l’un d’eux, et si les époux sont propriétaires dudit bien, le Juge aux Affaires Familiales devra indiquer dans l’Ordonnance de non conciliation si cette jouissance du domicile durant la procédure de divorce sera à titre gratuit ou onéreux. Si le juge ne le précise pas, à défaut, il est présumé que la jouissance est onéreuse.
1er cas : la jouissance est onéreuse :
Dans ce cas, le Juge aux Affaires Familiales se contente d’indiquer que la jouissance du domicile conjugal sera onéreuse durant la procédure de divorce, sans en préciser le montant et sans que l’époux ne règle quoi que ce soit durant la procédure. Il se peut, mais c’est assez rare, que les époux se soient mis d’accord sur le montant de l’indemnité d’occupation qui sera due, et le juge va se contenter de mentionner cet accord.
Ce n’est que lorsque le jugement de divorce est prononcé de manière définitive que l’indemnité d’occupation est calculée durant les opérations de liquidation du régime matrimonial.
Cette indemnité d’occupation est fixée en fonction de la valeur locative du bien avec généralement une décote de 15 à 20 %.
Ainsi, l’époux débiteur, verra sa part liquidative grevée de l’indemnité d’occupation au moment du partage. S’il est propriétaire à 50 % le montant de l’indemnité d’occupation sera de la moitié de la valeur locative moins la décote de 15-20% ; s’il est propriétaire à 30 % le montant de l’indemnité d’occupation sera de 70% de la valeur locative moins la décote de 15-20%.
2ème cas : la jouissance est gratuite :
Le juge prendra en considération les situations financières respectives de chacun des époux et si l’époux qui bénéficie de la jouissance du domicile conjugal se trouve dans un état de besoin, cette jouissance lui sera attribuée gratuitement au titre du devoir de secours.
Ainsi l’époux bénéficiaire ne sera pas redevable à son conjoint de l’indemnité d’occupation pour la période de la procédure de divorce.
Cependant cette jouissance n’est en réalité pas totalement gratuite pour deux raisons :
1 – l’indemnité d’occupation sera due pour la période postérieure à la procédure de divorce :
Lorsque la procédure de divorce est totalement terminée, que le divorce est prononcé de manière définitive, si l’époux se trouve toujours dans l’ancien domicile conjugal, il devra régler une indemnité d’occupation à compter de cette date.
2 – la jouissance gratuite est soumise à imposition :
L’attribution de la jouissance gratuite du domicile conjugal durant la procédure de divorce est considérée comme un avantage en nature qui s’analyse en une pension alimentaire.
Comme la pension alimentaire, la somme représentant cette jouissance gratuite devra être mentionnée dans la déclaration de revenus et sera imposable.
Pour fixer cette somme, l’époux bénéficiant de la jouissance gratuite, devra faire estimer la valeur locative du bien, sans décote. La somme à déclarer variera en fonction de son pourcentage de droits de propriété dans le bien :
Si l’époux est propriétaire à 50 % il déclarera la moitié de la valeur locative, s’il est propriétaire à 30 % il déclarera 70 % de la valeur locative ; enfin si seul l’autre époux est propriétaire, il devra déclarer 100% de la valeur locative.
De son côté, l’autre époux qui a quitté le domicile conjugal, inscrira dans sa déclaration de revenus la même somme qui viendra en déduction de ses revenus.
Cette situation peut se révéler très onéreuse par exemple dans le cas précis suivant :
Une épouse est propriétaire à 30 % d’un appartement qui a constitué le domicile conjugal consistant en un grand appartement d’une valeur locative importante.
Cette épouse est sans revenus ou à très faibles revenus et se voit attribuer la jouissance du domicile conjugal à titre gratuit durant les 5 années qu’a duré la procédure de divorce très conflictuelle.
Le Juge aux Affaires Familiales a considéré que l’épouse devait bénéficier de la gratuité de la jouissance du logement en considération de ses faibles moyens au titre du devoir de secours.
Cependant, et cette fois sans aucune considération de ses revenus, l’épouse devra régler une somme très importante d’impôts sur le revenu que représente cette jouissance gratuite, qui sera évalué dans notre cas à 70% de la valeur locative, chaque année sur 5 ans.
Il se peut que l’épouse dans l’ignorance de cette loi fiscale, ne déclare pas cette somme dans ses déclarations de revenus.
Au contraire, de son côté, l’époux déclarera la même somme de 70 % de la valeur locative qui viendra en déduction de ses revenus.
Le contrôleur des impôts fera le rapprochement entre les deux déclarations et l’épouse subira un redressement fiscal.
Il en résulte que la jouissance exclusive d’un bien détenu en propriété (en tout ou partie) par l’autre époux n’est en fait jamais totalement gratuite !
< Retour