Médiation, droit collaboratif et procédure participative
Des outils au service du droit de la famille
La pratique du droit de la famille, parce qu’il repose sur les secrets de l’intimité et les circonvolutions des sentiments, donne des exemples quotidiens concrets des limites aux décisions de justice qui une fois rendues ne donnent satisfaction à aucune des deux parties mais au contraire s’imposent comme des armes utilisées pour poursuivre la guerre, chaque nouvelle instance étant une nouvelle bataille, jusqu’à l’extinction de l’intérêt à agir ou le plus souvent, l’indépendance des enfants.
Les modes alternatifs de règlement des litiges constituent une autre voie obtenue au terme d’un processus choisi qu’il relève de la médiation, du droit collaboratif ou de la procédure participative…
L’avis de l’avocat
La pratique du droit de la famille, parce qu’il repose sur les secrets de l’intimité et les circonvolutions des sentiments, donne des exemples quotidiens concrets des limites aux décisions de justice qui une fois rendues ne donnent satisfaction à aucune des deux parties mais au contraire s’imposent comme des armes utilisées pour poursuivre la guerre, chaque nouvelle instance étant une nouvelle bataille, jusqu’à l’extinction de l’intérêt à agir ou le plus souvent, l’indépendance des enfants.
Les modes alternatifs de règlement des litiges constituent une autre voie obtenue au terme d’un processus choisi (qu’il relève de la médiation, du droit collaboratif ou de la procédure participative). Ils confèrent une place à la parole authentique de l’autre, souvent réciproquement édulcorée, déformée, fantasmée, donnent une opportunité à la reprise d’un dialogue rompu, et rendent possible une compréhension partagée du conflit dans toute sa complexité morale et affective afin de rechercher la restauration d’une relation de confiance et de donner naissance à des solutions communément réfléchies et consenties.
La médiation qu’elle soit conventionnelle ou judiciaire fournit depuis longtemps ce cadre aux parties, mais, en matière familiale, elle est le plus souvent judiciaire et confié à des médiateurs familiaux titulaire du diplôme d’Etat et le rôle de l’avocat, conseil des parties, y reste limité. Certes, il conseille et oriente vers le processus et à son terme, prend la plume pour sceller les accords trouvés mais il reste un témoin relativement silencieux pendant sa mise en œuvre. En effet, le mode opératoire qu’il propose, à caractère triangulaire (le médiateur et les parties) en fait un outil intéressant pour le justiciable mais la place donnée à l’avocat reste ponctuelle et accessoire , même si, comme le relève le rapport de la commission Guinchard, la présence de l’avocat constitue un facteur essentiel de réussite de la médiation.
Le droit collaboratif est une technique nouvelle provenant des Etats-Unis qui donne de nombreuses perspectives de résolution des litiges familiaux par la voie amiable. Dans le cadre de cette technique, les avocats formés s’engagent contractuellement aux cotés de leurs clients, en amont à toute procédure et avant toute saisine d’une juridiction, à rechercher une entente mutuelle acceptable et juridiquement pérenne afin de trouver un accord, sans recourir au juge, si ce n’est aux fins d’homologation.
Une troisième voie est la procédure participative créée par la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice entrée en vigueur le 23 janvier 2012 avec le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012. Expressément prévue en matière de droit de la famille et plus particulièrement en matière de divorce et de séparation de corps, elle consiste en la conclusion d’une convention entre les parties et leurs avocats, en vue de rechercher ensemble une solution constructive en vue de la réalisation amiable de leur différend.
Les informations données à titre préparatoire
Dans chacune des techniques utilisées, qu’il s’agisse de la médiation, du droit collaboratif ou de la procédure participative, le rôle d’impulsion de l’avocat est important. C’est en effet lui qui va proposer à son client une méthode alternative, en expliquer l’intérêt, le déroulement et le sens véritable de la démarche par rapport à l’engagement ou la poursuite d’une procédure judiciaire.
La médiation est aujourd’hui systématiquement proposée au justiciable par de nombreuses juridictions familiales au stade du dépôt de l’acte introductif puisqu’en effet, il est prescrit par les articles 255 et 372-3-10 du Code Civil le recours à la médiation sous forme d’injonctions, qui se matérialisent généralement par l’envoi par le greffe, en même temps que la convocation à l’audience, d’une notice d’information sur la médiation afin d’user de cette voie à titre préalable ou pour mettre un terme définitif au litige.
Le rôle de l’avocat est déterminant à ce stade, car :
d’une part, cette information préalable (par les autorités judiciaires) concerne la médiation judiciaire (ce qui suppose l’introduction d’une action en justice) et non les autres modes alternatifs de règlement des litiges,
et d’autre part, en particulier en matière de médiation, l’avocat reste le seul interlocuteur du justiciable, qui, dès réception de la notice d’information, va lui exposer sur le plan théorique les étapes du processus mais également ses vertus et ses bénéfices en parallèle voire en lieu et place de l’instance. Seul face à la réception d’une convocation en justice, qui s’avère le révélateur du conflit et projette son destinataire dans un compte à rebours avant l’audience, le justiciable est en général peu enclin à vouloir rechercher une voie pacifique. C’est seulement après avoir pris conseil de son avocat, dont le rôle, au delà de la simple information, est d’expliquer la recherche d’une solution alternative au procès et de faire comprendre que tenter une solution alternative n’est pas un aveu de faiblesse mais bien au contraire une chance donnée à la recherche d’une solution apaisée pour le bien commun et la pérennité des relations, qu’il va se sentir autorisé à entreprendre cette voie.
En droit collaboratif, le rôle de l’avocat est primordial, puisque non seulement, il va proposer et initier son client à la technique propre à ce processus mais il va surtout mener de concert avec son confrère et l’autre partie et son avocat le processus jusqu’à son terme. Ce choix implique naturellement que l’autre partie consente à l’engagement de ce processus mais que son avocat soit lui-même formé au droit collaboratif.
En procédure participative, le législateur a également voulu que le rôle des avocats soit central puisque l’article 2064 du Code Civil dispose « Toute personne assisté de son avocat, peut conclure une convention de procédure participative sur les droits dont elle a la libre disposition » et l’article 1544 du Code de Procédure Civile dispose que « les parties et leurs avocats, recherchent conjointement, dans les conditions fixées par convention , un accord mettant un terme au différent qui les oppose ».
La convention cadre
Une fois la méthode choisie et les parties convaincues par l’intérêt de quitter le terrain du conflit pour celui de la recherche d’une solution consentie, intervient la nécessité de fournir le cadre de la relation.
En matière de médiation, ce cadre sera trouvé dans une convention de médiation. En la matière familiale, le cadre fourni est celui de la médiation familiale qui requiert l’intervention d’un médiateur. Selon la méthode propre à chaque médiateur, il est établi une convention cadre destinée à rappeler les étapes de la médiation et les engagements au cœur du processus : confidentialité, courtoisie, équilibre du temps de parole …
En matière de droit collaboratif, le cadre est défini par un contrat synallagmatique qui fixe le cadre sécurisé du processus et en tant que tel rappelle les principes fondateurs de la procédure collaborative. Particularité importante, il prévoit des obligations à la charge des parties mais également de leurs avocats, qui eux aussi s’engagent à mener à bien la procédure. Comme tout contrat, toute violation d’une obligation par une des parties ou un des avocats entraine la résolution du contrat.
En matière de procédure participative, le législateur a également prévu l’existence d’une convention qui à l’article 2063 du Code Civil est « à peine de nullité, est contenue dans un écrit (qui) précise : son terme, l’objet du différent, les pièces et informations nécessaires à la résolution du différent et les modalités de leu échange ». L’article 1545 du Code de Procédure Civile y ajoute : « Outre les mentions prévues à l’article 2063 du Code Civil, la convention de procédure participative mentionne les noms, prénoms et adresse de leurs avocats. La communication des écritures et pièces entre les parties se fait par l’intermédiaire de leurs avocats selon les modalités prévues par la convention. Ceux-ci les portent à la connaissance des intéressés par tout moyen appropriés. Un bordereau est établi lorsque la pièce est communiquée ». En revanche, le législateur, n’a pas prévu, comme en matière de droit collaboratif, que les avocats soient signataires de la convention, celle-ci restant donc la seule chose des parties. Enfin, la convention de procédure participative peut être modifiée dans les mêmes formes que celles prévues pour son établissement (article 1546 du Code de Procédure Civile).”
La mise en œuvre des processus
En médiation, le déroulement du processus est laissé à la libre appréciation du médiateur. Il y a autant de méthodes que de médiateurs. Il est possible d’en citer deux :
La méthode de Catherine Emmanuel est la suivante :
1. l’accord sur la médiation
2. l’accord sur le médiateur
3. l’accord sur les modalités de la médiation (cadre, cout, durée des séances, déontologie)
4. l’accord sur la prise de parole et le temps de parole
5. l’accord sur l’ordre du jour
6. l’accord sur le désaccord (sur le fait que les parties sont différentes, qu’elles ont des perceptions différentes, des valeurs différentes)
7. l’accord sur le fait que l’on a des intérêts communs
8. l’accord sur les solutions retenues
9. l’accord sur la forme de l’accord
La méthode des coauteurs, Alain PEKAR LEMPEREUR, Jacques SALZER et Aurélien COLSON qui donne lieu à plusieurs étapes :
– la présentation (des parties et du médiateur)
– l’exposé des objectifs de la médiation (sa nature, le rôle du médiateur)
– les règles à respecter (non-interruption des parties lorsqu’elles s’expriment, respect mutuel, confidentialité, exécution volontaire de la solution éventuellement trouvée) et l’accord de toutes les parties sur ces règles
– le temps disponible aux parties
– les étapes de la médiation : retour vers le passé et perspective de solution pour le futur.
En droit collaboratif
Il est enseigné que chaque étape a un sens et une importance chronologique :
1° La première rencontre avec le client : c’est à ce stade que l’avocat va proposer le droit collaboratif comme une option possible au même titre qu’une médiation, une procédure participative ou une procédure judiciaire classique. Il appartient à l’avocat de déterminer avec son client s’il est d’accord pour suivre ce processus et de lui faire mesurer les conséquences de ce choix (impossibilité de saisir le juge avant la fin du processus et en cas d’échec, nécessité pour l’avocat de se dessaisir du dossier).
2° Rencontre avec l’avocat de l’autre partie : lorsque les deux parties ont opté pour le droit collaboratif et à condition que les avocats des deux parties soient formés à ce processus, les avocats peuvent se rencontrer pour définir les priorités à et le cas échéant les points urgents à traiter. C’est à ce stade que se met en place le travail d’équipe spécifique au droit collaboratif.
3° La préparation des réunions à 4 : Les réunions à 4 sont un moment clé du processus car c’est au cours de ces réunions que le conflit va s’exprimer, que les raisons cachées vont se dévoiler, que les émotions vont s’exprimer … Le premier rendez-vous est capital et doit être préparé avec soin. Outre un travail classique d’écoute, de compréhension des faits et de recherche des objectifs du client, l’avocat doit s’attacher à comprendre les moteurs et les ressorts psychologiques de la position que son client exprime. Il doit aussi éveiller son client au processus en lui en exposant sa philosophie qui repose avant tout sur une négociation sur les intérêts et non sur les positions. Avant chaque rendez-vous à 4, l’avocat doit aider son client à formuler ses besoins au lieu de rester sur ses positions.
4° Les rendez-vous à 4 : Lors du premier rendez-vous à 4, après avoir rappelé le cadre matérialisé par une convention que l’ensemble des parties est amenée à signer en préambule des discussions (Annexe 1 : Exemple de contrat collaboratif) , les avocats peuvent, alternativement dans un esprit de travail d’équipe, aborder l’identification des questions que les clients souhaitent régler, ceci par ordre de priorité commun, avant de définir le calendrier des rencontres ainsi que les pièces utiles à tous pour avancer dans un souci de transparence et d’information contradictoire. A l’issue de ce premier rendez-vous et s’il est démontré que les parties sont capables de poursuivre le processus, les parties font chacune un point avec leur avocat qui en établi un compte rendu. Les autres rendez-vous à 4 permettront successivement, d’identifier les besoins et les intérêts de chacun (en les éloignant de leurs positions), de mettre en lumière les points convergents… sans proposer à ce stade de solution.
5° Le rendez-vous de présentations des options. Ce rendez-vous très particulier doit arriver en fin de parcours, de préférence avant plusieurs autres rendez-vous à 4 au cours desquels, les parties auront été priées de ne pas évoquer les solutions, mais de se concentrer sur les besoins et les intérêts. Ce rendez-vous doit être également préparé de manière à faire émerger dans chacune des équipes avocat-client une série d’options possibles à partir des besoins et intérêts définis par chacun.
6° La signature de l’accord : si à l’issue de la réunion de présentation des options, les parties ont trouvé un accord, il est préparé par les avocats et signé à 4, avant d’être le cas échéant soumis à l’homologation du juge.
En procédure participative
Et si le contenu de la convention fait l’objet d’une description assez précise, le législateur ne fournit aucune information sur le déroulement du processus. On peut donc estimer qu’il est dépourvu de protocole et laissé à la libre appréciation des parties et de leurs avocats. Ce manque de précision sur le déroulement du processus laisse perplexe, notamment si les avocats qui s’y essaient ne bénéficient d’aucune formation, notamment sur les techniques de négociation raisonnée, d’écoute active, de reformulation enseignées en matière de médiation et de droit collaboratif.
L’accord final
En médiation
Le processus trouve son terme par un accord partiel ou global que le talent du médiateur aura permis d’émerger entre les médiés auxquels il aura été donné au préalable un temps de réflexion pour s’assurer d’une adhésion sincère et authentique. Cet accord qui est le fruit de leurs seuls accords sera validé par leurs avocats qui auront pour mission de le rédiger puis, le cas échéant de le faire homologuer par une juridiction. Dans ce processus, le médiateur est le passeur et l’accoucheur de la volonté des parties mais il ne prend pas part, ni pour conseiller l’une d’entre elles, ni pour participer à leur œuvre commune, qui demeure leur seule propriété tant sur le plan intellectuel que matériel. Leurs avocats sont les rédacteurs de leurs accords tout en restant garant de leur conformité à l’ordre public. Eu égard à ce rôle de rédacteur et de conformité à l’ordre public, il me semble abusif de considérer que l’avocat a, dans la médiation familiale, un rôle « très important ».
En droit collaboratif
Le processus trouve également son terme par la signature d’un accord rédigé mais également c’est la spécificité de ce processus, signé par les avocats des deux parties. Il s’agit nécessairement d’un accord global. S’il porte sur une demande en divorce, il aboutit au dépôt d’une requête en divorce par consentement mutuel. Dans tous les autres cas, au dépôt d’une requête conjointe en homologation. A défaut d’accord global, les avocats étant intervenus dans le processus partiel, sont tenus de se dessaisir du dossier pour laisser la suite à d’autres confrères qui reprendront les armes devant le Tribunal.
En procédure participative
Le législateur a prévu que la procédure participative prenne fin soit par l’arrivée du terme de la convention de procédure participative, soit par la résiliation anticipée et par écrit de cette convention par les parties assistées de leurs avocats, soit encore par la conclusion d’un accord réglant en totalité le différend ou l’établissement d’un acte constatant la persistance de tout ou partie de celui-ci. Cet accord peut être soumis à l’homologation du juge. L’article 2066 du Code Civil prévoit en effet que « les parties, qui au terme de la convention de procédure participative, parviennent à un accord réglant en tout ou partie leur différend peuvent soumettre cet accord à l’homologation du juge ». Cette disposition n’a toutefois pas vocation à s’appliquer en matière divorce ou de séparation de corps, domaines réservés dans lesquels la demande (en divorce ou en séparation de corps) présentée à la suite d’une convention de procédure participative est formée et jugée suivant les règles prévues au titre VI du livre 1er relatif au divorce . Dans toute autre matière que le divorce ou la séparation de corps, l’accord est en vertu de l’article 1555 du Code de Procédure Civile constaté dans un écrit « établi par les parties assistées de leurs avocats. Il énonce de manière détaillée les éléments ayant permis la conclusion de cet accord ». La loi n’a pas en revanche prévu que cet accord soit signé par les avocats, comme cela est le cas en matière de droit collaboratif.
Les techniques communes utilisées dans ces processus
Les techniques ci-après développées sont au cœur du système comme garante de la délivrance d’une parole, obtenue dans une relation de confiance avec le souci d’approcher au cœur du conflit dans toute sa complexité et sa singularité.
Il est à noter qu’aucun établissement notablement connu ne dispense de techniques de formation concernant la procédure participative. Il est donc possible d’en déduire que tout avocat peut le pratiquer dans des conditions que l’on peut estimer proches de la négociation traditionnelle, à défaut de formation spécifique. Le champ libre laissé à une pratique dénuée de tout protocole ou de toute méthode en réduit considérablement l’intérêt par rapport aux autres techniques telles que la médiation et le droit collaboratif, dans lesquelles les avocats formés partagent la même philosophie et travaillent sous l’auspice de vertus communes : empathie, respect de l’autre, courtoisie, liberté, transparence, non violence …
L’écoute active et la reformulation
L’écoute active découle des travaux du psychologue américain Carl Rodgers qui en défini les contours initialement dans le cadre de l’entretien psychothérapeutique. Elle correspond à une ouverture intérieure, une volonté de comprendre l’autre profondément avec empathie et respect pour permettre de créer un lien authentique avec le client.
Parmi les techniques utilisées en écoute active, il est enseigné d’apprendre l’art du silence permettant le surgissement de la parole, le questionnement bienveillant et ouvert, la reformulation, qui permet dans un souci de concision et d’adhésion à la pensée de l’autre de recueillir son adhésion à son système de pensée.
La reformulation peut prendre différentes formes : la reformulation-reflet qui consiste à reprendre des termes identiques ou très proches des sentiments exprimés par son auteur de telle façon que celui ci se reconnaisse ; la reformulation-clarification qui consiste à rassembler les éléments épars du discours en les synthétisant ou en établissant explicitement des liens implicites qui paraissent jalonner les propos ; la reformulation déductive qui a pour but de vérifier le bien fondé d’une hypothèse résultant des propos pour s’assurer de sa conformité avec la pensée de son auteur.
La reformulation a plusieurs intérêts pour l’interlocuteur :
– se sentir entendu dans sa parole profonde et intimement compris, c’est-à-dire dans ses sentiments et ses émotions,
– nouer une relation de confiance avec le médiateur ou avec l’avocat qu’il a choisi pour l’accompagner dans le processus,
En droit collaboratif, il est enseigné que la reformulation peut être croisée, c’est-à-dire qu’il revient à chaque avocat de reformuler l’autre partie. Cet exercice périlleux a de nombreux avantages quand il est réussi : celui de faire comprendre à chacun des protagonistes que le sujet est le problème et non la personne.
La recherche des besoins et des intérêts
Les techniques de médiation et de droit collaboratif ont toutes pour point commun de faire émerger les besoins et les intérêts des justiciables.
Au départ, lorsqu’un client vient voir son avocat, il va énoncer son problème, lui en fournir une interprétation, donner le cas échant ses raisons et ensuite, il va énoncer ses positions c’est-à-dire ses demandes. Or, ses demandes ne sont pas l’unique réponse au problème.
Le travail du médiateur ou de l’avocat saisi dans le cadre d’un processus collaboratif va consister, avant de rechercher des solutions à aider le client à évaluer la solution dans sa globalité, de manière à faire émerger ses besoins fondamentaux et ses intérêts. Par exemple, dans le cadre d’un divorce, lorsque la demande exprimée est « : Je veux conserver le domicile conjugal », l’intérêt peut être : « j’ai besoin d’un logement confortable », ou « je veux conserver aux enfants le même cadre » ou « je n’ai pas les moyens de me reloger ».
La négociation raisonnée
La négociation raisonnée est un autre outil, issu des travaux des professeurs Fisher et Ury de l’Université d’Harvard dans les années 80. Elle se définit comme un « processus de prise de décision interpersonnelle par lesquelles deux ou plusieurs personnes arrivent à un accord intégratif qui exploite toutes les opportunités de gains mutuels de façon créative ».
Ce type de négociation est fondé sur l’équité, sur des critères objectifs et sur l’interaction constructive permettant d’élaborer un accord judicieux ainsi défini « L’accord judicieux répond aux intérêts légitimes des parties : dans la mesure du possible, il résout les conflits d’intérêts équitablement. Il est durable, il tient compte des intérêts de la communauté.
Elle s’oppose à la négociation classique de position ou de posture qui, en droit de la famille, se déroule souvent par communication à distance (lettres, télécopies, téléphone) parfois finalisée par une rencontre (à quelques jours de la date de plaidoirie pour une pression maximale) au cours de laquelle chacune des parties de manière ferme et compétitive, voire agressive fait des propositions excessives (je veux 100, donc, je demande 500).
Elle implique généralement :
– une demande initiale élevée,
– une communication d’information tronquée,
– l’usage de rapports de force voire d’attaques personnelles, d’accusations,
– un usage de la manipulation pour découvrir la position de l’autre sans découvrir la sienne,
– des concessions minimes et dépourvues de sens.
Si accord, il y a, il sera issu de concessions obtenues au prix de frustrations qui n’entrainent aucune satisfaction mutuelle, pire font le lit d’un nouveau conflit, qui ne tarde pas à ressurgir.
La négociation raisonnée repose sur 5 principes fondamentaux :
1° Traiter séparément la personne et le problème
Le principe est d’être doux avec les personnes et dur avec le problème. Dans un conflit, les parties sont confrontées à des obstacles parmi lesquels figurent :
– une mauvaise perception de la réalité de l’autre,
– une mauvaise interprétation de ses émotions voire le déni de ces mêmes émotions,
– l’absence de communication.
Pour dépasser ces obstacles, la méthode de négociation raisonnée va consister à se mettre à la place de l’autre pour accéder à ses émotions. Parmi, les méthodes utilisées, l’écoute active du professionnel, médiateur ou avocat collaboratif ou participatif, et la reformulation permettent aux intervenants de clarifier la parole d’une partie et de la rendre intelligible voire légitime aux yeux de l’autre. En se comprenant mieux, les parties vont pouvoir accéder ensuite au différent en le dépassionnant.
2° Se centrer sur les intérêts et non sur les positions des parties
La recherche des intérêts de chacune des parties reste la partie la plus délicate pour le professionnel, médiateur ou avocat collaboratif ou participatif. Il s’agit au-delà de la position d’une des parties de comprendre les ressorts secrets, les motivations profondes, les « moteurs silencieux » qui motivent sa demande car en effet, si les positions demeurent divergentes (ex : je veux la garde des enfants), les intérêts peuvent être communs (ex : je veux qu’ils aient une bonne éducation ou je veux qu’ils soient heureux ou je veux qu’ils passent le plus de temps possible avec l’un ou l’autre des deux parents et non avec des tiers : nourrice, centre aéré …). La question clé pour trouver les intérêts en jeu est « pourquoi ? ».
Parmi les intérêts communément recherchés, il a été théorisé par la pyramide de Maslow les besoins dans l’ordre suivant :
– les besoins physiologiques : manger, dormir, avoir chaud,
– les besoins de sécurité : logement, vêtements, sécurité,
– les besoins sociaux : l’appartenance à un groupe : famille, association, religion,
– le besoin d’estime des autres : la reconnaissance sociale,
– le besoin d’estime de soi,
– la réalisation.
En matière de divorce, les intérêts communs sont souvent de :
• ne pas faire peser le divorce sur les enfants,
• de trouver un accord équitable et équilibré sur les aspects matériels,
• de satisfaire les besoins de sécurité financière de chacun de manière à assumer ses charges quotidiennes,
• de créer des conditions de divorce qui permette à chacun de reconstruire rapidement une autre vie,
• de se sentir respecté dans son intimité pour éviter les apparitions de l’autre de manière impromptue,
• de mener une procédure qui sera la moins couteuse possible.
3° Imaginer un éventail de solutions procurant un avantage mutuel
L’avantage des modes alternatifs de règlement des litiges est que la loi n’est un critère, que dans la limite du respect de l’ordre public. Cela laisse une grande part à la créativité et à l’imagination, l’idée étant de multiplier les solutions possibles, en élargissant le champ des possibles, sans jugement de valeurs. On parle également à ce titre d’inventer des options pour élargir le gâteau ».
4° Le résultat doit reposer sur des critères objectifs (et non sur des arguments)
Afin de limiter les argumentations infinies ou en cas de blocage des discussions, il est possible de proposer aux parties de s’entendre sur des critères objectifs, incontestables, reconnus par tous, tels que :
– la loi ou la jurisprudence,
– la valeur du marché, le prix d’un service,
– l’estimation d’un professionnel (ex : une évaluation de parts de société par un expert comptable ou d’un immeuble par un notaire)
– une expertise scientifique
En droit de la famille, il existe désormais une circulaire du 23 avril 2010, qui fixe le montant des contributions alimentaires pour les enfants. De la même manière, des méthodes de calcul existent pour calculer le montant de la prestation compensatoire.
5° La Meilleure Solution de Rechange : MESORE.
Dans le cadre de la négociation raisonnée, il est nécessaire de préparer une solution de rechange en cas d’échec du processus, c’est ce qu’on appelle la MESORE. Ce peut être par exemple de demander au juge de trancher le litige, mais cette alternative doit être finement analysée (chance raisonnable de succès, aléa judiciaire, coût et durée, conséquences sur les relations futures). La MESORE permet au client d’avoir moins peur de l’échec : il sait en effet que s’il échoue, il a une autre solution. La MESORE protège, rassure et évite de signer un accord défavorable.
Les garanties de ces processus pour le justiciable
La formation des intervenants
La formation des intervenants est une garantie importante pour le justiciable. C’est parce qu’il peut avoir la garantie d’être entouré et assisté de professionnels formés à ces méthodes qu’il peut se sentir confiant à s’engager dans cette voie.
Le médiateur familial doit sa fonction à un diplôme d’Etat19 sanctionnant 595 heures de formation. La durée et la pluridisciplinarité de cette formation en fait un professionnel sérieusement aguerri à la spécificité de la matière.
Quant aux avocats praticiens du droit collaboratif, ils doivent leur expertise à une formation dispensée par l’Association des Praticiens de Droit collaboratif 20 qui propose en deux sessions de deux jours, d’assurer à des professionnels tous avocats, et pour l’essentiel, formés à la médiation, les préceptes du droit collaboratif.
En procédure participative, le législateur n’a rien prévu pour l’instant sur la nécessité d’une formation adaptée des avocats.
La confidentialité
La confidentialité est l’une des garanties essentielles des modes alternatifs de règlement des litiges. Il ne peut en effet être envisagé pour un justiciable de se soumettre à un processus, qui par hypothèse reste au départ inconnu, anxiogène et aléatoire que s’il a la garantie que le cadre proposé fera office d’un confessionnal, garant de ses secrets et de ses failles, et qu’il pourra en cas d’échec reprendre les armes judiciaires traditionnelles, sans que ne soient révélées les confidences faites au cours du processus amiable.
En médiation, cette garantie de confidentialité est prévue par l’article 131-14 du Code de Procédure Civile qui prescrit « les constatations du médiateur et les déclarations qu’il recueille ne peuvent être ni produites, ni invoquées dans la suite de la procédure sans l’accord des parties, ni en tout état de cause dans le cadre d’une autre instance ».
En droit collaboratif, la confidentialité est également essentielle. Non réglementée, elle est enseignée comme étant renforcée .
En revanche, en matière de procédure participative, le législateur n’a pas entendu exiger la confidentialité, ce qui confère à ce processus une faiblesse certaine. Il est en revanche possible d’intégrer une obligation de confidentialité à la convention de la procédure participative conclue entre les parties pour préserver les droits des parties en cas d’échec du processus, sachant que les avocats sont de leur cotés tenus professionnellement à la confidentialité.
La responsabilité des intervenants
Le médiateur, ainsi que l’avocat praticien en droit collaboratif et en procédure participative engagent leur responsabilité civile en cas de faute inhérente à leurs fonctions.
Le respect mutuel
Alors que le conflit a souvent donné lieu à un relâchement moral et à une altération des principes élémentaires de courtoisie, il est important, sous l’égide du médiateur, lorsqu’il s’agit d’une médiation, ou sous l’autorité bienveillante des avocats, en droit collaboratif et procédure participative, qu’il soit fait rappel, que ces processus quels qu’ils soient doivent dans leur forme donner lieu à des échanges courtois et respectueux. Ces pré-requis, auxquels chacun d’entre nous est fondamentalement attaché dans toute type de relation, est une clé, de reprise d’un dialogue a minima, au départ un peu contraint mais garant de la naissance d’une nouvelle relation adulte et responsable.
Il peut être un élément important à rappeler au justiciable lorsqu’il est déjà altéré par le passé par des échanges destructeurs avec l’autre partie et qu’il hésite à entreprendre une voie alternative de lui expliquer que ce principe de respect et de courtoisie sera garanti par les professionnels du processus, qu’ils soient médiateur ou avocats.
Il est également important de faire figurer ces principes dans la convention initiale pour permettre en cas de dérapages de l’une des parties de rappeler que ces valeurs constituaient le socle commun auxquelles les parties avaient adhéré comme principes fondateurs.
C’est le cas du modèle de contrat de droit collaboratif établi par l’Association des praticiens du droit collaboratif qui prévoit parmi les obligations des parties celle d’avoir une communication respectueuse et constructive qui est de nature à leur permettre de réapprendre à dialoguer en bonne intelligence, ce qui leur sera à terme nécessaire pour mettre en œuvre l’accord auquel ils seront parvenus.
Le législateur instituant la procédure participative, n’a pas entendu préciser ces impératifs qu’il a timidement limités à une nécessité de bonne foi24 . Rien n’empêche toutefois de prévoir cet impératif dans la convention de procédure, qui en tant que telle fera la loi de parties et sera le socle de leur échanges.
Le respect de l’Ordre Public
Le médiateur, qui n’est pas nécessairement un juriste, n’est pas contraint comme le serait un Juge à appliquer la loi, même si bien entendu cette dernière reste la référence d’usage et la limite, l’Ordre Public.
Le droit collaboratif offre la même liberté puisque sous réserve du même respect de l’Ordre Public, les acteurs du processus jouissent d’une grande créativité pour imaginer le cadre de leur future relation et adapter leurs contraintes à une solution sur mesure. Parmi les éléments de références, il est courant, pour dépassionner le débat et réduire l’impact de l’émotionnel, de prévoir en amont qu’il sera utilisé des critères objectifs (ex : évaluation d’un immeuble par la Chambre des Notaires), dont la réglementation fait partie (ex : grille des pensions alimentaires fournie par la circulaire du 12 avril 2010).
En dehors de ces critères objectifs que les parties ont le choix d’abandonner, ils peuvent laisser libre court à tout critère y compris le plus fantaisiste (tirage au sort) ou les plus rigoristes (calculs arithmétiques). La limite est le respect de l’Ordre Public, tout mode alternatif de règlement des litiges devant aboutir à un accord qui est conforme à l’Ordre Public et aux bonnes mœurs.
Ces éléments sont importants de rappeler aux parties pour faire naître la conscience que l’accord trouvé, bien que non nécessairement conforme au droit (mais conforme à l’ordre public) a la même force obligatoire qu’une décision de justice et qu’elles s’imposent sous les mêmes sanctions.
La valeur ajoutée des processus alternatifs pour le justiciable
Le justiciable cherche la paix en général
Il est rare de trouver chez les justiciables des personnes qui par pathologie se nourrissent du conflit et y trouvent un bénéfice. La majeure partie des personnes redoutent en effet le litige et cherchent à vouloir l’éliminer ou le résoudre pour être sécurisé matériellement, apaisé moralement et rassuré financièrement.
Notre culture judéo-chrétienne et notre éducation nous ont par ailleurs enseigné qu’il fallait bien s’entendre avec son prochain et être conciliant, gentil, agréable …. La paix est douceur, harmonie, bonheur. A l’inverse, la guerre est destruction, crainte, angoisse … Par opportunisme, chacun d’entre nous est donc plutôt porté à choisir des solutions qui nous orientent vers la paix que vers la guerre.
Ces arguments constituent un puissant moteur pour convaincre d’user d’une voie alternative dans laquelle la conciliation pour ne pas dire la réconciliation, est possible. Dans ces processus, « il s’agit de rechercher une solution acceptable pour les deux clients, sans qu’il y ait de vainqueur ni de gagnant ».
La peur de l’aléa judiciaire
Le monde de la justice reste pour beaucoup fantasmé, incompréhensible et anxiogène.
Pour autant, il est souvent difficile pour l’avocat d’expliquer à son client que le juge peut se tromper. La Justice reste en France dotée de sérieux pouvoirs d’autorité suprême quasi infaillible. « Comment est ce possible ? » entend-on souvent dans nos cabinets d’avocats « le dossier et si clair, et j’ai le droit pour moi et toutes les preuves ».
Il est aussi souvent impossible à certaines personnes d’entendre qu’elles ont peut-être tort et que le juge pourrait donner raison à la partie adverse.
Pour autant, les praticiens savent bien que la Justice reste avant tout humaine et éminemment faillible et que deux plaidoiries identiques d’avocats adverses peuvent donner des résultats inverses à Lille et à Marseille.
C’est souvent en cours d’instance ou en appel ou après une ou deux décisions qui leur auront montré les limites de l’exercice et son caractère déceptif, que les parties seront plus accessibles à cette voie alternative.
Etre l’acteur de la solution à son conflit
Etre l’acteur de la solution à son conflit, comme être l’acteur de sa vie. Ne pas devenir le sujet d’un tiers, le juge, qui prendra une décision qui aura une influence déterminante sur des choix futurs important et très personnels (lieu de la résidence, amplitude des horaires de travail pour compatibilité avec une garde d’enfant), mais être le gardien voire le maître de son existence pour en conserver souverainement le contrôle.
Faire du sur mesure
Certaines situations sont peu classiques : parents géographiquement éloignés, ou exerçant des professions atypiques, choix familiaux impliquant des séparations de fratrie, places affectives de certains tiers à la relations strictement parentales (oncle/tante, nourrice ….) impliquent des situations qui sont parfois difficiles à concilier avec les schémas classiques voire traditionnels des décisions de justice rendues en matière familiale.
Les modes alternatifs de règlement des litiges peuvent être un terrain particulièrement propice à l’émergence de solutions originales et adaptées tout en restant conformes à l’intérêt supérieur de l’enfant.
Donner une autre valeur aux frais de justice
Honoraires d’avocats, frais d’enquête sociale et d’expertise, multiplication des procédures d’incident, d’appel, nouvelle fiscalité de l’instance (35 € pour chaque nouvelle instance et 150 € pour chaque procédure d’appel) entretiennent un système qui se nourrit lui-même de ses propres excès pour un résultat qui au final génère beaucoup d’amertume et ne fournit pas une solution utile et encore moins pérenne.
Le recours aux modes alternatifs ne constitue pas une panacée aux frais générés par la résolution d’un conflit mais il permet au justiciable de donner une valeur différente à l’argent qu’il dépense, les temps de travail de l’avocat sont différemment répartis et plus valorisants.
Il faut réserver la place de la médiation familiale, très largement subventionnée par des dotations publiques, qui permet aux justiciables (non assistés) de payer une sommes modiques aux associations spécialisées.
A l’inverse de la matière judiciaire ou le client n’a souvent pas conscience du temps nécessaire à la préparation des rendez-vous, au classement et à la sélection des pièces reçues, à l’analyse des pièces adverses, aux recherches, à la rédaction des écritures, dans les processus alternatifs, le justiciable est le témoin de l’avancée du processus car il y participe activement aux cotés de l’avocat : préparation et présence aux réunions.
Le justiciable constate lui-même les temps d’accélération et les points de blocage des discussions et peut décider ou non d’intervenir pour y remédier ce qui n’est pas le cas dans le processus judiciaire.
Le justiciable a enfin plus de facilité à valoriser le temps passé en faveur d’une décision qui recherche son intérêt et dans laquelle il conserve un libre-arbitre que de payer une prestation dont il ne connaît pas par hypothèse, un dénouement qui lui échappe.
En droit collaboratif, on estime qu’il faut généralement entre 4 et 8 réunions à 4, d’une durée de deux heures approximativement et espacées généralement de deux à quatre semaines, entrecoupées d’un ou de deux rendez-vous de préparation entre l’avocat et son client.
Obtenir des bénéfices à long terme
La justice familiale a la particularité d’inscrire ses protagonistes dans une durée qui peut être à l’échelle d’une vie.
Engager et nourrir un procès implique une part de destruction du lien ainsi que la nécessaire intervention de tiers (présence passive des enfants, production d’attestations de tiers) qui peuvent laisser des traces encore plus profondes que celles laissées par le conflit bilatéral.
Les modes alternatifs de règlement des litiges ont pour ambition de tenter de recréer le lien pour le maintenir et le faire évoluer. En cas de succès, les parties exécutent spontanément leur décision, ce qui permet d’alléger voire d’éviter non seulement le contentieux de l’exécution mais celui des recours en cause d’appel et en cassation.
En droit collaboratif, les experts considèrent que 80 à 85 % des participants à un processus collaboratif en ressortent satisfaits.
Différences et autonomie de chaque méthode
1. Le nombre d’acteurs
En médiation, la relation est triangulaire : le médiateur d’une part et les deux parties d’autre part. Les avocats peuvent être présents à ce processus, mais leurs rôles semblent plus essentiels en amont c’est-à-dire au stade préparatoire au processus (information préalable au démarrage de la mesure, ou entre les rendez-vous de médiation) puis en aval, à l’issue du processus, lorsqu’un accord a été trouvé, pour le formaliser et lui conférer validité et conformité à l’Ordre Public. En revanche, la présence de l’avocat au cours des rendez-vous de médiation ne semble pas essentielle et ce pour plusieurs raisons :
– l’absence de formation des avocats : certains avocats, non formés, restent convaincus de l’inutilité de la médiation et peuvent venir non seulement pour saboter l’émergence d’un éventuel accord, voire pire pour capturer des informations qu’ils vont ensuite tenter d’utiliser pour le procès, au mépris des règles de la confidentialité.
– la relative inutilité de la présence des avocats : la médiation reste la chose des parties : c’est elle qui en ont décidé de sa mise en place et de ses modalités, c’est à leur rythme que se fixent les rendez-vous, ce sont les éléments de leurs histoires, parfois les plus intimes, qui sont discutés. L’avocat, qui reste un technicien du droit, peut avoir un rôle de conseil mais il n’a souvent qu’un rôle de témoin. Ce rôle de témoin réduit l’intérêt de sa présence et on peut gager que si un déséquilibre s’inscrit au cours de la discussion entre les parties, le médiateur garant du cadre, saura veiller à sa correction. Certains auteurs sont d’un avis contraire et pensent que la présence des avocats est essentielle en cours de médiation32.
– la possibilité d’un meilleur lâcher-prise des médiés : avant d’entrer en médiation, les parties ont souvent présenté à leur avocat une description très personnalisée, pour ne pas dire inconsciemment déformée de la situation. La présence de l’avocat à la médiation peut s’avérer un handicap lorsque l’autre partie fait une description tout à fait opposée de la situation et des raisons qui en sont à l’origine. Le médié peut avoir inutilement l’impression d’être mis en porte à faux au sujet de la version qu’il a donnée, une fois encore, de bonne foi. Pour cette raison, je considère que l’absence des avocats peut aider les parties à se libérer d’une version jusqu’auboutiste donnée à leur avocat et sur laquelle ils seraient prêts à revenir, sans témoin, ni jugement de valeur.
En droit collaboratif et en procédure participative, la présence des parties et de leurs avocats est consubstantielle au processus.
En droit collaboratif, elle exige un travail en équipe. Cette équipe est constituée des parties et de leurs avocats et au fil du processus, elle entraine une relation rectangulaire croisée à 4, grâce au principe de la reformulation croisée :
– La relation entre avocats
– La relation de l’avocat de A avec B
– La relation de l’avocat de B avec A
– La relation entre les parties A et B
En procédure participative, la relation est encore rectangulaire à 4 mais non croisée:
– La relation entre avocats
– La relation de l’avocat de A avec A
– La relation de l’avocat de B avec B
– La relation entre les parties A et B
Les postures sont davantage traditionnelles. L’absence de formation exigée des avocats pour s’engager dans cette procédure et l’absence de confidentialité des échanges en font un cadre qui ressemble davantage à la négociation.
2. Le contradictoire et la transparence
En médiation, le principe du contradictoire, principe essentiel de procédure civile, n’est pas un pré-requis. Il est donc ainsi possible à une partie de divulguer des informations ou pièces au médiateur sans que l’autre partie n’en soit informée. Grace aux informations « initiées » de chacune des parties, et non intégrées au débat contradictoire, le médiateur peut guider les discussions.
En droit collaboratif, il est pour principe établi que chacune des parties doit spontanément donner à l’autre l’ensemble des informations nécessaires à la résolution du litige, ce dans un souci de transparence et de loyauté : financière, patrimoniale, familiale… Pour préserver toute éventualité d’échec du processus, les échanges de documents sont protégés : d’une part ils sont revêtus d’un cachet « processus collaboratif » qui interdit de les communiquer devant un tribunal, mais surtout, ils ne sont pas dupliqués et conservés par les avocats, qui en restent les gardiens. Il en est de même des comptes rendus d’évolution du processus qui sont établis par les avocats et lus à leurs clients mais ne sont pas communiqués. Dans le cadre de ce processus, les parties s’engagent à négocier de bonne foi et notamment de se communiquer une information complète et sincère sur leurs revenus et patrimoines respectifs.
En procédure participative, il est également prévu que le processus ait un caractère contradictoire puisque l’article 1545 du Code de Procédure Civile prescrit : « La communication des écritures et pièces entre les parties se fait par l’intermédiaire de leurs avocats selon les modalités prévues par la convention ; ceux-ci les portent à la connaissance des intéressés par tous moyens appropriés. Un bordereau est établi lorsqu’une pièce est communiquée ». La faiblesse du principe du contradictoire est qu’il n’ait pas de confidentialité. Cela implique que les pièces communiquées en cours de procédure participative pourront être dévoilées lors d’un éventuel procès subséquent.
3. Le retrait des avocats intervenant au processus
En médiation, l’ombre du juge est prégnante. Les parties savent donc bien que si le processus échoue, elles pourront avec l’aide de leurs avocats se précipiter devant lui pour tenter de se faire entendre raison.
En droit collaboratif, et c’est là une règle absolue et fondamentale qui fait la spécificité de ce processus : en cas d’échec de la procédure collaborative (violation des obligations du contrat de participation au processus collaboratif ou saisine d’une juridiction) et de nécessité de saisir le juge, les deux avocats qui ont participé au processus doivent impérativement se retirer et ne peuvent apporter leur assistance dans le cadre du contentieux à intervenir. Les avocats ne peuvent pas davantage communiquer aux confrères qui leur succèdent les pièces communiquées au cours des différentes réunions communes, y compris celles remises par leurs propres clients. Selon les défenseurs de ce processus : « Cette exigence est la garantie que les échanges pourront se dérouler dans un climat de confiance et de bienveillance nécessaire. Le retrait des avocats garantit la confidentialité renforcée du processus. Il garantit également qu’avocats et parties mettra toute leur énergie, leur volonté et leur intelligence au service de la poursuite d’un accord »
Toutefois, ce processus s’inscrit dans le cadre d’une nécessaire coopération avec le monde judiciaire car l’homologation est presque toujours nécessaire et une mesure urgente ou conservatoire peut être requise dès lors qu’elle reçoit l’accord des deux parties.
En procédure participative, nulle nécessité pour les avocats de se déporter, en cas d’échec de la procédure participative. Ils peuvent se précipiter chez le Juge et même profiter des connaissances et faiblesses de l’autre partie acquise dans le cadre du préalable participatif, puisque ce dernier ne présente aucun caractère confidentiel.
4. Le recours au juge
En médiation qu’elle soit judicaire ou conventionnelle (elle est généralement judiciaire et confiée à un médiateur familial), le recours au juge est naturel : il intervient en cas d’accord pour l’homologuer, ou en cas d’échec de la médiation pour trancher le litige.
En droit collaboratif, le recours au juge est banni de la convention fondatrice du processus, sauf accord commun pour une mesure conservatoire ou urgente et sauf bien entendu pour homologuer l’accord intervenu. Si le processus échoue, les parties ne peuvent saisir le juge qu’après avoir dessaisi leurs avocats respectifs. Ce trait caractéristique fait la force du droit collaboratif mais en montre ainsi les limites. Comme souligné à juste titre par le professeur Guinchard, dès lors que les parties ont tout à perdre dans l’échec de la procédure collaborative, elles sont vivement incitées à participer activement et utilement à la recherche d’une solution négociée. En même temps « ce qui favorise le succès du processus est en même temps ce qui rend son échec particulièrement dramatique. Ceux qui n’ont pu aboutir à une solution négociée n’auront plus les moyens financiers probatoires de se lancer dans une procédure judiciaire qui demeure alors pourtant leur seule issue » .
En procédure participative, il est au contraire de principe que les clients peuvent conserver les mêmes avocats pour saisir la juridiction compétente. C’est ce qui fait dire aujourd’hui que cette procédure n’a rien d’alternative mais devient préparatoire au procès, comme la conciliation en matière prud’homale, dont le taux de réussite est très faible. La Commission Guinchard a estimé que pour être attractive et en sécuriser l’issue, la procédure participative devait être « articulée » complètement dans le système judiciaire, considérant que le temps consacré à la négociation en amont de la procédure judiciaire permettait ainsi d’accélérer le déroulement de la procédure judiciaire ultérieure, en cas d’échec total ou partiel par le juge :
« – d’abord en prévoyant que l’accord constatant le règlement consensuel du litige peut être homologué par le juge compétent dans le cadre de la procédure gracieuse de sorte qu’il sera doté de la force exécutoire lorsque cela sera nécessaire ;
– Ensuite parce qu’en cas de désaccord ou d’accord partiel, les parties ne sont pas contraintes de tout remettre en cause dans le cadre d’une longue procédure contentieuse : un procès verbal est prévu pour constater l’accord partiel ainsi que sur les points sur lequel sur le litige persiste ; l’avantage pour les parties consiste alors à pouvoir saisir la juridiction compétente par la seule remise au greffe de ce document, accompagné des pièces utiles, pour, d’une part, homologuer les points d’accord et, d’autre part, statuer sur les points de désaccord sans que l’affaire soit renvoyée à la mise en état, compte tenu de l’avancement des échanges entre les parties pendant le cours de la procédure participative » .
Au final, lors des débats parlementaires, l’argument selon lequel la procédure participative était un préalable utile au procès est devenu prépondérant : « La procédure judiciaire consécutive à la procédure participative gagnera en efficacité, car celle-ci s’apparente à une mise en état de fait, ce qui diminuera la durée du procès. C’est la grande différence avec les autres modes de résolution de conflits » (propos de Marie-Hélène Des Esgaulx, Sénat 11 février 2009).
5. La formation des avocats
Cette dernière distinction reste la plus fondamentale au praticien qui formé en médiation et en droit collaboratif sait qu’un avocat rompu aux méthodes classiques du combat judiciaire ne peut improviser, sans formation préalable, à la nouvelle méthode alternative qu’est la procédure participative. C’est donc l’un des prochains chantiers à entreprendre que de mettre en œuvre une formation idoine et une charte pour permettre à ce processus de prendre sa place dans le panorama des modes alternatifs de règlement des litiges.
Conseil
Après le développement et l’institutionnalisation de la médiation, l’apparition en France du droit collaboratif en 2007 et la récente insertion dans le code civil de la procédure participative, il ne peut être contesté que les règlements non contentieux des conflits familiaux s’imposent progressivement dans le paysage de la justice familiale. La société française suit en cela un mouvement plus global (anglo-saxon) qui privilégie la négociation à la procédure judiciaire.
Ces nouveaux processus sont garants d’une justice familiale apaisée et maitrisée dès lors qu’ils sont mis en œuvre par des professionnels formés et artisans de paix.
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