Peut-on désormais divorcer sans passer devant un juge ?
Le divorce par consentement mutuel a été profondément modifié par loi du 18 novembre 2016 dite loi de modernisation de la justice du 21ème siècle entrée en application le 1er janvier 2017.
Aux termes de la nouvelle législation, le divorce par consentement mutuel n’est plus de la compétence du juge aux affaires familiales et ne fait plus l’objet d’une procédure devant le Tribunal, sauf exception.
En effet le nouvel article 229-1 du Code civil prévoit « lorsque les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent assistés chacun par un avocat leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresignée par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l’article 1374. Cette convention est déposée au rang des minutes d’un notaire.»
Ce texte instaure de nombreuses nouveautés pour le justiciable et pose de nombreuse questions
Peut-on désormais divorcer sans passer devant un juge ?
Oui , mais uniquement s’il s’agit d’un divorce par consentement mutuel qui suppose que les époux soient d’accord non seulement sur le principe du divorce mais également sur l’ensemble de ses conséquences.
Quelles sont les autres conditions ?
Il y en a plusieurs :
• La première condition concerne la liquidation du régime matrimonial. Si les époux sont propriétaires d’un bien immobilier, il faut que le sort de ce bien soit été réglé avant de démarrer la procédure.
Soit le bien a été vendu, soit les époux ont établi devant un notaire un acte d’état liquidatif aux terme duquel l’un des époux rachète la part de l’autre, soit les époux ont établi devant notaire une convention selon laquelle ils demeurent propriétaires indivis du bien.
• Aucun des époux ne doit être placé sous un régime de protection ( tutelle, curatelle, sauvegarde de justice…). En effet dans ce cas le divorce par consentement mutuel est impossible.
• Si les époux ont un enfant mineur, celui-ci doit avoir renoncer au droit d’être entendu par un juge. En effet selon l’article 388-1 du Code civil , l’enfant mineur peut demander à être entendu par un juge dans une procédure le concernant. Si l’enfant mineur fait cette demande, le divorce enregistré par un notaire est impossible.
Les époux peuvent- ils avoir le même avocat ?
Non. C’est une des nouveautés de la loi. Pour divorcer par consentement mutuel chacun de époux doit être assisté de son avocat. En effet chaque époux doit être assisté et donner son consentement hors de toute pression.
Y-a-t-il des exceptions ?
Il y a une seule exception à ce principe : Si le couple qui souhaite divorcer a des enfants mineurs, le nouvel article 229-2 du Code civil prévoit que dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel , l’enfant doit être informé de la possibilité d’être entendu par le juge.
Cette information prend la forme d’un formulaire qui doit être remis à l’enfant ( article 4 du décret du 28 décembre 2016).
A partir du moment où le mineur demande à être entendu, le divorce ne pourra pas se faire par acte sous signature privée enregistré par notaire, mais sera nécessairement de la compétence du juge aux affaires familiales. Le divorce sera donc judiciaire. Dans ce cas, les époux peuvent avoir le même avocat. Le divorce se fera devant le juge aux affaires familiales selon les règles applicables avant le 1er janvier 2017.
Qui choisit le notaire ?
Le notaire est choisi par les deux époux . Si les parties ne connaissent pas de notaire, les avocats pourront leur proposer plusieurs notaires.
S’i y a eu un acte notarié pour la liquidation des biens , le notaire choisi sera généralement celui qui a rédigé l’acte liquidatif.
Comment se déroule le divorce ?
Chacun des époux va rencontrer son avocat. Les avocats vont ensuite échanger pour se mettre d’accord sur les termes de la convention qui doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires.
Une fois que le parties et les avocats ont finalisé le projet de convention, chaque avocat envoie le projet par lettre recommandé AR à son client. La convention ne pourra être signée qu’à l’expiration d’un délai de réflexion de quinze jours partant de la réception des courriers recommandés.
A l’issue de ce délai les parties et les avocats signent la convention en trois ou quatre exemplaires ( s’il y a lieu à enregistrement) . la convention doit ensuite être adressée au notaire dans un délai de sept jours.
Le notaire dispose d’un délai de quinze jours pour enregistrer la convention au rang de ses minutes après avoir vérifié la régularité formelle de la convention et le respect des délais, mais le notaire ne contrôle pas le contenu de la convention.
Une fois la convention enregistrée, le notaire envoie une attestation de dépôt aux avocats qui pourront procéder le cas échéant à l’enregistrement et à la transcription du divorce en marge des actes d’état civil.
Où peut-on divorcer ?
Aucun tribunal n’est saisi. Les époux peuvent donc choisir des avocats et un notaire partout sur le territoire.
Combien de temps dure ce divorce ?
Une fois que le projet de convention est élaboré et envoyé au client , les choses vont vite ( 15 jours de délai de réflexion+ signature de la convention+ envoi au notaire dans les 7 jours de la signature + enregistrement par le notaire dans les quinze jours) .
Toutefois, comme auparavant, un certain temps peut être nécessaire pour se mettre d’accord.
Quand le divorce est-il effectif ?
Le mariage est dissous à la date du dépôt de la convention au rang des minutes du notaire ( article 229-3 code civil).
Toutefois aux termes de l’article 262-1 du Code civil, dans les rapports entre les époux en ce qui concerne leurs biens , le divorce prendra effet à la date de la convention sauf si la convention en dispose autrement. Enfin ,le divorce ne sera opposable aux tiers qu’à compter de la transcription en marge des actes d’état civil.
Quelles sont les voies de recours ? Ce divorce est-il bien définitif ?
Ce divorce devant notaire n’est pas un jugement. Il n’y a donc pas de voie de recours avec les délais qui s’y attachent. Ce point pose d’ailleurs un problème majeur. Un jugement est définitif lorsque les voies de recours sont épuisées.
Ainsi le divorce par consentement mutuel judiciaire n’est susceptible d’un recours que devant la Cour de Cassation pour erreur de droit dans un délai de quinze jours. Passé ce délai, les deux ex- époux disposent d’une sécurité juridique évidente. Si les mesures concernant les enfants sont par principe toujours révisables en fonction de l’évolution de l’intérêt de l’enfant, en revanche les dispositions concernant les époux sont définitives.
Le divorce devant notaire n’est pas un jugement mais un contrat solennel au sens de l’article 1109 du Code civil. Or un contrat peut être annulé pour dissimulation d’une information déterminante ( article 1112-1 du Code civil , pour erreur , dol ou violence ( article 1130 du Code civil) .
Le délai pour agir en nullité est de cinq ans.
Ceci pose un problème majeur d’insécurité juridique, puisque le divorce est susceptible d’être annulé. Or rien dans la loi du 18 novembre 2016 ne vient limiter les délais pour agir en nullité.
Une personne pourrait ainsi en toute bonne foi se trouver en situation de bigamie si elle s’est remariée et que le divorce enregistré précédemment chez le notaire est annulé.
En outre les causes de nullité d’un contrat sont variées et le droit des contrats vient d’être profondément modifié en 2016 .
Il y a là une source majeure d’insécurité juridique qui pourrait amener des époux souhaitant divorcer à se diriger plutôt vers un divorce accepté. En effet celui n’était souvent écarté que parce que la loi exigeait la présence de deux avocats.
Dans la mesure où le divorce par consentement mutuel devant notaire implique désormais l’intervention de deux avocats, la divorce accepté va sans doute connaître un regain d’intérêt.
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