La loi n°2019-222 dite de « réforme de la Justice », tant débattue et controversée, a été publiée au Journal Officiel du 24 mars 2019, après censure partielle du Conseil constitutionnel notamment concernant les pouvoirs donnés à la CAF en matière de pension alimentaire.
Ses objectifs sont tentants, et … donnent presque envie aux justiciables et aux professionnels du droit :
-Simplifier les procédures pour mieux protéger et mieux juger
-Alléger les charges des juridictions
-Assurer et renforcer l’efficacité de l’instance
Certaines mesures sont d’application immédiate, soit dès le lendemain de la publication de la loi, et d’autres trouveront application au plus tard le 1er septembre 2020.
Ces mesures impactent pour certaines la pratique du droit de la famille et il est d’ores et déjà raisonnable de douter de l’efficacité de certaines qui risquent d’allonger des procédures déjà complexes tant en terme de durée que de tensions familiales.
Mais la pratique fera l’objet d’un prochain article.
Celui-ci a pour objectif de lister de manière succincte et efficace (pour rester dans l’esprit de la loi !) les mesures qui concernent les procédures familiales.
Les mesures d’application immédiate
Développement des modes alternatifs de règlements des différends
Le magistrat peut à présent ordonner une médiation dans la décision statuant définitivement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.
Changement du régime matrimonial
Le délai de 2 ans avant de pouvoir modifier le régime matrimonial des époux est supprimé.
Séparation de corps
La procédure de séparation de corps est alignée sur le régime applicable en matière de divorce par consentement mutuel soit la rédaction d’un acte sous seing privé contresigné par les Avocats et déposé au rang des minutes d’un Notaire.
Signature électronique
Il est désormais possible de signer de façon électronique la convention de divorce par consentement mutuel ou la convention de séparation de corps.
Pouvoirs du Juge aux Affaires Familiales
Les pouvoirs des Juges sont élargis dans le cadre de l’exécution de ses décisions : astreinte, amende civile, recours à la force publique et médiation post-sentencielle.
Séparation de parents non mariés
Désormais le Juge aux Affaires Familiales pourra statuer sur la jouissance du domicile conjugal, dans le cadre d’une décision rendue concernant les enfants, en cas de séparation de parents non mariés (concubins ou pacsés).
Les mesures d’application différée
Modification de la procédure contentieuse
Simplification, en apparence, de la procédure de divorce contentieuse en supprimant les deux temps de la procédure.
Il n’y aura donc plus d’audience de tentative de conciliation donnant lieu à une ordonnance statuant sur les mesures provisoires applicables pendant la procédure de divorce.
Il sera directement statué sur le fond du divorce.
Cependant, le Juge convoquera les parties à une première audience, soumise à l’oralité des débats, à laquelle les parties pourront décider de ne pas s’y rendre.
Cette audience offrira la possibilité de statuer sur des mesures provisoires.
Acte de saisine du Juge aux Affaires Familiales
La saisine du juge se fera uniquement par voie d’assignation.
Obligation de mentionner dans l’acte de saisine la possibilité de recourir à la procédure dite participative et à la médiation.
Il sera possible d’y indiquer le fondement du divorce mais uniquement s’il s’agit d’un divorce accepté ou d’un divorce pour altération définitive du lien conjugal.
En cas de divorce pour faute, il faudra attendre les premières conclusions pour en faire la demande et ne mentionner aucun fondement dans l’acte de saisine.
Divorce pour altération définitive du lien conjugal
Le délai caractérisant l’altération définitive du lien conjugal est réduit à 1 an au lieu de 2 ans.
Divorce accepté
L’acceptation du principe de la rupture du mariage peut intervenir à n’importe quel moment de la procédure, voir en amont de la saisine.
Il sera possible d’en acter le principe par acte sous signature privée contresigné par avocats.
Il ne sera plus obligé d’attendre d’être devant le Juge pour en acter l’acceptation.
Conseil
Bien évidemment, il est difficile pour un avocat de rester taisant sur ces dispositions et sur ses conséquences pratiques (ou peut-être de rester taisant tout simplement).
En effet, nous sommes confrontés à la réalité des problèmes familiaux et économiques, aux tensions des couples, ainsi qu’au stress des enfants.
Souvent nous avons d’ores et déjà en amont tenté de concilier les familles et de trouver un accord amiable.
Nous sommes par ailleurs confrontés à la réalité des limites de la médiation : certes la reprise du dialogue est impérativement nécessaire, notamment pour les enfants. Néanmoins, beaucoup de nos clients nous disent perdre leur temps, et leur argent. De l’avis de certains médiateurs, la médiation se prête difficilement, voire pas du tout, à certains cas de droit de la famille.
Enfin, l’audience de conciliation qui était la seule étape « humaine » de la procédure disparaît du divorce. Ne nous leurrons pas. Même à l’heure du numérique et de la dématérialisation, le contact physique, humain, avec la justice en la personne du magistrat reste essentiel. D’ ailleurs beaucoup d’accords émergent de ces audiences, au moins sur certains points. Il est donc dommage d’avoir affaibli le pouvoir conciliateur du juge au profit d’un médiateur souvent non professionnel.
Mais seule la pratique nous en dira un peu plus…
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