Violences conjugales et divorce : le front pénal
La plainte pénale : Crimes ou délits
La violence intra familiale n’est pas une simple « affaire entre parties ».
La société toute entière est concernée par la violence au sein de la famille, et cet aspect constitue une circonstance aggravante dans le Code Pénal.
Crimes ou délits
Crime :
L’article 222-3 du Code Pénal soumet à une peine de vingt ans de réclusion criminelle, le fait de soumettre une personne à des tortures ou à des actes de barbarie, lorsque les faits sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime.
Ces faits sont punissables de trente ans de réclusion criminelle lorsqu’ils ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente.
L’article 222-7 du Code pénal prévoit que les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur la personne du conjoint ou du concubin sont punies de quinze ans de réclusion criminelle.
Délit :
Au titre de l’article 222-11 du Code Pénal, les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours sont punissables de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende. Lorsque les violences ont entraîné une Incapacité Totale de Travail inférieure à huit jours, elles sont punissables de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.
La plainte pénale : La situation de flagrance
Dans les situations les plus flagrantes et les plus brutales, les services de police alertés par le voisinage se rendent sur place et constatent les faits.
L’auteur des violences est amené au poste, placé en garde à vue, voire en dégrisement.
Si elle est en état de le faire, la victime doit évidemment porter plainte en bonne et due forme.
Cette intervention en urgence des services de police peut avoir des conséquences procédurales très importantes, et la coopération de la victime au travail des policiers est cruciale.
Depuis quelques années, les policiers sont formés à l’écoute des victimes d’infractions.
Il ne faut pas hésiter à rentrer dans les détails, et ne pas chercher à minimiser la responsabilité de son conjoint.
Sont malheureusement trop fréquentes les situations où la victime abandonne sa plainte parce qu’elle a déjà pardonné ou qu’elle veut éviter des problèmes à son conjoint.
Le résultat est un sentiment d’impunité chez l’auteur de l’infraction, avec des risques de récidive.
La plainte pénale : Les situations hors flagrance
Les policiers ne sont pas alertés sur le moment.
La victime signale les faits quelques heures après, ou le lendemain, voire plusieurs jours plus tard.
Il appartient à la victime d’insister pour déposer plainte et non pas une main courante.
La main courante est une déclaration unilatérale consignée dans les registres du commissariat, elle ne permet pas le déclenchement d’une enquête ni aucune poursuite, il s’agit d’une simple mention.
S’agissant des violences légères, certains policiers ont le réflexe de simplifier, voire de banaliser ce type d’agissements en incitant la victime à déposer une simple main courante.
Cette pratique est quelque fois très choquante, il convient alors d’insister auprès du service concerné afin de demander à ce qu’une plainte soit enregistrée en demandant un récépissé du dépôt de plainte.
La plainte pénale : La constatation des blessures
Les blessures doivent être constatées par un médecin des Urgences Médico Judiciaires (UMJ), c’est à dire un médecin rattaché au service de la Préfecture de Police, et habilité à rédiger un certificat médical évaluant le nombre de jours d’ITT (Incapacité Totale de Travail).
Cet élément est essentiel puisqu’il déterminera la suite de la procédure (ITT supérieure ou inférieure à huit jours).
Le certificat constitue une preuve des violences, et sera l’un des fondements de l’appréciation par le Juge de la responsabilité pénale.
Il est donc fondamental d’accomplir cette démarche au commissariat, et de ne pas se contenter de faire effectuer un certificat médical, par son propre médecin traitant.
Le médecin des UMJ pourra constater en outre l’état de choc psychologique de la victime.
Ce traumatisme peut servir aussi de base à une incapacité totale de travail.
Comme indiqué précédemment, dans son audition par la police, la victime doit être exhaustive.
Elle doit, le cas échéant, parler des faits antérieurs.
Lorsque les faits sont contestés par l’auteur des violences, les services de police envisagent fréquemment une confrontation en leur présence, qui constitue bien souvent une épreuve pour la victime, puisque celle-ci doit affronter les dénégations et la mauvaise foi de celui ou celle qui partage sa vie.
Ces confrontations permettent quelques fois à l’auteur de « craquer » et de dire la vérité, ce qui constitue une étape.
Selon les situations, la procédure est plus ou moins complexe, elle peut nécessiter l’audition de témoins, une expertise psychiatrique, des investigations multiples.
Ces mesures peuvent se révéler éprouvantes, il est indispensable de les affronter.
La plainte pénale : L’opportunité des poursuites
Le Procureur de la République a, au terme de l’enquête, « l’opportunité des poursuites ».
Il peut :
– Classer l’affaire, s’il estime que les charges ne sont pas suffisantes.
– Renvoyer l’affaire en médiation pénale.
– Renvoyer l’affaire devant la juridiction correctionnelle, le cas échéant.
– Renvoyer l’affaire devant un Juge d’instruction s’il estime que des investigations supplémentaires se justifient.
En matière criminelle l’affaire est systématiquement renvoyée devant le Juge d’Instruction.
La procédure pénale : Le classement sans suite
Il est prononcé dans les situations de violences simplement alléguées, sans trace et sans témoin, lorsque les faits sont contestés.
La victime est ainsi prisonnière du jeu pervers, ordonnancé par son conjoint.
Ce dernier offre une très bonne image sociale de lui même, alors qu’il se montre un vrai tyran à l’intérieur de la maison.
Ces situations sont malheureusement très fréquentes, la difficulté consiste à ne pas rester seul avec son tortionnaire.
Le Procureur de la République ne peut pas agir sans un commencement de preuve.
La déclaration unilatérale d’une victime ne suffit pas à déclencher une quelconque poursuite.
En cas de classement sans suite, la victime a toutefois la possibilité de saisir directement le juge d’instruction par une plainte avec constitution de partie civile.
C’est alors le Juge d’Instruction qui dirigera la suite de l’enquête.
Il va de soi que si aucun élément probant n’est rapporté, l’affaire se terminera par un non lieu.
C’est pourquoi, il est fondamental de faire constater la moindre blessure.
La procédure pénale : La médiation pénale
Lorsque les faits parviennent pour la première fois sur le bureau d’un Procureur de la République, et qu’il s’agit de violences légères (ITT inférieure ou égale à 1 jour), la pratique est courante de renvoyer en médiation pénale.
Les parties sont alors convoquées devant un médiateur (travailleur social ou magistrat à la retraite chargé par le Procureur de la République de constater un accord éventuel dans l’intérêt des familles).
L’affaire peut ainsi se terminer par des excuses prononcées officiellement, ainsi qu’un dédommagement.
A certaines conditions, l’auteur des faits échappe aux poursuites.
Cette pratique fréquente des parquets pose problème, car elle tend à banaliser des faits qui sont souvent graves, dans la perspective de désencombrer les tribunaux.
L’expérience montre que les procès verbaux d’accord signés en médiation pénale, constituent en réalité les préalables à de nouvelles violences, qui cette fois seront jugées par le tribunal répressif.
La procédure pénale : Comparution devant la juridiction correctionnelle
En cas de récidive ou dans les situations plus graves (violences avec ITT supérieure à deux jours), le Procureur peut décider du renvoi devant la juridiction correctionnelle détenue ou libre.
La comparution libre
A la fin de sa garde à vue, l’auteur des faits se voit remettre une convocation pour une date ultérieure devant le tribunal.
La situation peut être très préoccupante car, retrouvant ainsi le domicile conjugal, il a la possibilité de récidiver ou de faire pression sur sa victime avant le jugement.
C’est pourquoi le Procureur de la République ordonne fréquemment : La comparution libre mais sous contrôle judiciaire.
Dans cette situation, le Procureur de la République assortit officiellement la mise en liberté de l’auteur à certaines conditions, et notamment l’obligation de déménager avec interdiction de rencontrer sa victime jusqu’à la comparution devant le tribunal.
En cas de violation de cette interdiction, l’auteur des faits peut être incarcéré.
La comparution du détenu
A l’issue de sa garde à vue, l’auteur est déféré devant la juridiction, menottes aux poignets.
Il s’agit d’une situation de trouble grave à l’ordre public.
L’auteur comparait ainsi selon la procédure des « comparutions immédiates ».
Le renvoi à l’instruction
Lorsque l’affaire est complexe, et que l’enquête n’est pas terminée, celle ci peut être confiée à un Juge d’Instruction qui mènera ses investigations (auditions, confrontations, expertises, etc.).
Dans le cadre de cette procédure, le Juge des Libertés et de la Détention peut, sur réquisition du Procureur de la République placer l’auteur des faits en détention ou le remettre en liberté, le cas échéant, sous contrôle judiciaire.
Au terme de l’instruction, l’auteur sera éventuellement renvoyé devant la juridiction de jugement.
Expertise et dommages et intérêts
En cas de violence grave, il est bien sûr de l’intérêt de la victime de demander une expertise judiciaire.
Un médecin spécialisé figurant sur une liste agréée par le tribunal sera alors chargé d’examiner la victime, d’étudier son dossier médical, et de déterminer son préjudice poste par poste.
C’est sur la base de ce document que la juridiction procédera à l’évaluation des dommages et intérêts attribués à la victime et ce à partir des demandes formulées par son avocat.
Ainsi lors de la comparution immédiate, c’est à dire en urgence après la garde à vue de l’auteur, la victime doit veiller, le cas échéant, à solliciter une expertise.
Il est donc nécessaire qu’un avocat soit présent pour accomplir ces démarches.
Dans certains tribunaux, et notamment à Paris, des permanences d’avocats spécialisés sont instituées.
Le sursis avec la mise à l’épreuve
Cette peine est très fréquemment appliquée aux auteurs de violences conjugales lorsqu’ils comparaissent pour la première fois devant une juridiction correctionnelle.
L’auteur échappe à la prison à condition de respecter certaines obligations sous le contrôle d’un Juge de l’application des peines.
Parmi ces obligations, figure fréquemment celle de ne pas rentrer en contact avec la victime.
C’est souvent dans ces circonstances que l’auteur, quelques fois très désemparé, cherche à s’amender avec plus ou moins de sincérité, et à reprendre la vie conjugale.
La vigilance s’impose, et les risques de récidive doivent être bien pesés.
En cela, un soutien psychologique est essentiel.
Conseil
Il va de soi que dans toutes les situations décrites précédemment, la procédure pénale sert de fondement et de levier à la procédure de divorce.
La procédure de divorce consacre officiellement la rupture, ce qui permet bien souvent de mettre un point final à la violence.
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