La violence conjugale
Entretien avec Pascal Anger psychothérapeute familial et de couple.
Pouvez-vous définir la violence conjugale ?
La violence conjugale regroupe trois formes de violence : la violence psychologique, la violence physique et la violence sexuelle.
– La violence psychique est celle qui est la moins décelable à l’œil nu, elle ne laisse pas de marque sur le corps, elle est pernicieuse. Cela commence par des petits reproches qui s’installent dans le couple, puis, sans y prendre garde ces critiques peuvent et vont dégénérer. Le conjoint vous parle mal, vous insulte et vous vous y habituez peu à peu … Cela peut avoir des effets dévastateurs pour soi, mais aussi pour les enfants qui vous entourent. Votre enfant peut vous dire « est-ce normal que papa te traite de c….. ? Est-ce normal qu’il t’humilie devant les invités ? »
– La violence physique va de la bousculade au cimetière parfois, on ne le dit pas assez…
– La violence sexuelle, c’est penser que la femme est sa chose et que l’on fait ce que l’on veut avec… n’oublions pas qu’une femme sur dix est victime de violences conjugales.
Existe-t-il un profil type d’homme auteur de violences conjugales ?
Non, il n’existe pas de profil type, nous rencontrons de la violence conjugale dans toutes les couches sociales de la société, il n’y a pas d’âge pour commencer, toutes les cultures peuvent être concernées.
Les auteurs ont en commun d’avoir une mauvaise tolérance à la frustration et ils agissent tous pour apaiser une tension. Souvent l’acte n’est pas prémédité, il intervient parce que l’homme est dans l’impossibilité de se contrôler, de dire ce qui est difficile pour lui et plutôt que de répondre par des mots, il répond avec des poings. La plupart du temps, il le regrette et il est sincère lorsqu’il dit son regret, mais le mal est fait.
L’homme auteur de violence consulte t’il facilement ?
Malheureusement non, souvent il vient consulter parce que sa femme menace de partir ou sur injonction du Juge. Il utilise l’argument thérapie pour dire « reviens », mais dans un premier temps il ne voit pas toujours le sens et l’intérêt de venir en thérapie.
N’oublions pas que souvent dans la violence conjugale, il y a deux étapes : l’homme commence par exploser d’une manière ou d’une autre, puis il va le regretter. La femme va alors espérer un changement qui peut parfois être opérant avec de nouveau une lune de miel. Cependant ce changement va être de courte durée, nous allons vers une répétition des faits, avec des périodes de violence qui se rapprochent et s’intensifient.
Un homme auteur de violence qui entame une thérapie a souvent le souhait que tout aille très vite. Dans un premier temps, il ne fait pas le travail pour lui mais pour l’autre. Même si cela semble paradoxale cette femme qu’il bat, c’est vraiment celle qu’il aime.
L’une des choses qu’il peut « apprendre » en thérapie c’est à aimer autrement. Aimer avec des mots car ce qui lui manque le plus, ce sont les mots pour le dire et l’exprimer.
En médiation familiale comment agissez-vous lorsqu’une femme énonce la violence conjugale ?
Je vérifie qu’il s’agit bien de violence conjugale et non d’un conflit conjugal.
Dans le conflit conjugal les deux sont acteurs dans la violence, dans la violence conjugale, il y en a un seul qui est sous l’emprise de l’autre. Dans ce cas, on ne peut pas avoir recours à la médiation car il est impossible de travailler en coparentalité. C’est stérile dans la mesure où les parents ne vont pas pouvoir se mettre d’accord.
Si lors d’une séance une femme expose une situation de violence, ma première réaction est de lui donner la démarche à suivre en matière juridique et psychologique, ce qu’elle doit faire en matière de protection, mes questions tournent autour des personnes et des lieux de ressources pour elle et pour l’enfant. Du côté du mari, il s’agit de parler de ce qui ce passe en lui, d’être dans un rappel à la loi et de lui donner des adresses de lieux ressources pour lui aussi.
Il est impossible de mettre une médiation familiale en place lorsqu’il y a violence, mais nous pouvons tenter d’accompagner l’un et l’autre, faire en sorte que la loi ait été énoncée afin que dans un second temps et dans l’intérêt de l’enfant une médiation puisse éventuellement se mette en place.
< Retour vers le dossier