Ce qu’on appelle communément l’alcoolisme, la boulimie, l’anorexie, le tabagisme, les addictions en général, le jeu compulsif et jusque dans leurs excès qui se rencontrent au cours d’un divorce, et qui génèrent la dépendance, mais aussi l’angoisse, l’anxiété, la dépression ne sont pas, stricto sensu, et bien que certains veulent nous le faire croire, des « maladies ». Ces « affections » rendent malades le sujet, certes, ce ne sont pas pour autant des maladies. Ce sont des « symptômes ». Symptômes de souffrances somatiques ou psychiques. Parfois les deux.
Chacune de ces manifestations citées plus haut doit être prise et abordée, à chaque fois, comme un « symptôme », au sens subjectif que lui donne la psychanalyse. Jacques Lacan disait ainsi : « J’appelle symptôme ce qui vient du réel » et préconisait au sujet, en fin d’analyse, « d’aimer son symptôme comme soi-même. »
Celui-ci vient et doit être accueilli par le psychanalyste comme tel, dans un premier temps. Il n’est pas, ici, seulement le signe d’un désordre (médical) ou d’une perturbation (psychique). Il fait cependant point d’appel, pour le psychanalyste, à un conflit, un n?ud de significations en souffrance, celui du sujet comme structure et celui du sujet comme histoire. Il est la mémoire d’un évènement traumatique, d’un trauma qui concerne le sujet. Il suscite l’invitation du psychanalyste à un sujet qui vient lui demander de l’aide là où, seul(e) , il/elle « n’y arrive plus ».
Quelle est, depuis ses débuts, l’invitation de la psychanalyse, reprise individuellement par chaque analyste ?
Dire tout ce qui nous vient dans la tête (tout ce qui nous tombe dans la tête, Einfall dit Freud), c’est-à -dire en somme tout ce qui fait signe. Tout ce qui nous tombe dans, passe par, la tête, plongé dans un dispositif où l’on ne voit pas le visage et surtout le regard de celui ou de celle à qui l’on destine son discours. Il s’agit de parler sans fin prédéterminée, sans avoir à juger de ce qui est utile ou inutile à dire, ou nécessaire pour viser telle ou telle fin. Ainsi, tout ce qui se dit peut prendre un statut égalitaire, et rien ne prédomine, à priori, dans le dire.
Même après trente-trois ans de pratique de la chose, c’est une étrange expérience? Ordinairement, quand quelque chose ne va pas, vous avez pris l’habitude, infantile en somme, si vous ne savez plus quoi comprendre ou comment faire avec ce qui vous tombe dessus, d’en référer à un autre qui, lui, doit bien savoir comment faire, comment penser, comment décider : mère, père, aîné, ami, professeur, médecin, avocat, prêtre, expert, juge, député, etc?
Et vous pensez, très naturellement, qu’il est là pour vous répondre. Et, chose curieuse, chose insensée, lui aussi, pense qu’il est là pour vous répondre ! Il sait. Il sait là où vous ne savez plus. Il sait au-delà d’où vous savez. Il vous dira pourquoi c’est comme ça pour vous, et même plus, comment y remédier. Vous devez faire comme ceci. Lui, il sait.
Eh bien, l’invention freudienne, c’est tout le contraire ! La voie ouverte par Freud, c’est ce monde-là , mais à l’envers ! Prenez la parole, prenez le risque de la parole, seul(e). Parlez avec vos propres mots, laissez résonner à vos oreilles vos propres signifiants, articulez-les en présence d’un(e) inconnu(e) qui se doit de se tenir au secret de ce que vous pourrez dire. Faites cette expérience, vous rencontrerez très vite que votre parole va vous mener quelque part, d’elle-même. Et ce ne sera pas en vain que vous aurez eu ce culot, ce courage. De quoi mon symptôme fait signe ? Moi seul le sait sans savoir que je le sais, mais ma parole, elle, si je ne la filtre, le sait. Je me dois de l’écouter. Autrui ne peut savoir pour moi. Encore moins à ma place. Il ne peut que seulement me permettre d’y accéder, à quoi ? A ce mien savoir. Cela s’appelle rencontrer son analyste.
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