Mon mari a choisi ses parents
La chronique de Juliette Delmas
Dans sa chronique hebdomadaire, Juliette Delmas répond aux questions que vous vous posez. Elle met à votre disposition une écoute bienveillante , et vous apporte des pistes de réflexion pour vous aider dans la vie de tous les jours. Vous, aussi, posez votre question par mail à l’adresse suivante: redac@elledivorce.com
Isabelle, bonjour, vous avez accepté de nous raconter votre expérience de divorce, nous vous en remercions.
Pour des raisons évidentes de confidentialité, les prénoms, professions et âges ont été modifiés.
1- Isabelle, pouvez-vous nous dire qui a pris la décision de divorcer ?
Mon mari a abandonné le domicile conjugal du jour au lendemain. Il est parti sans m’avertir, laissant l’appartement vide de ses meubles, et sans dessus-dessous.
2- Après combien d’années de mariage ?
Ça a été un choc énorme, un traumatisme, après trois ans de mariage, tout d’un coup, mon mari a vidé l’appartement du jour au lendemain en nous abandonnant, mon enfant de 1 an et moi.
3- Pouvez-vous nous dire pour quelle(s) raison (s) ?
Mon mari a choisi ses parents ; il y avait des conflits avec la belle-famille, notamment avec sa s?ur dépressive, qui avait une relation très fusionnelle avec lui et qui lui faisait du chantage au suicide ; elle avait une véritable emprise sur lui et a été jalouse de moi tout de suite;
Ma belle-mère, était également étouffante et infantilisante avec mon mari, et puis elle m’appelait pendant des heures au téléphone pour me raconter ses problèmes.
Quand j’ai voulu mettre des limites avec sa famille, mon mari a préféré nous abandonner, mon enfant et moi.
4- Par quelles émotions êtes-vous passée pendant cette période ?
Par la surprise, puis la colère, la dépression, le chagrin et maintenant la rage au ventre pour défendre les intérêts de mon enfant.
5- Ce qui a été le plus dur, au niveau de votre vécu intérieur ? (émotions, sentiments )
Le constat d’abandon, le saccage de l’appartement a été vécu psychologiquement comme un viol et puis une trahison.
6- Diriez-vous que vos relations actuelles avec votre ex-conjoint sont correctes, bonnes, mauvaises, exécrables ?
Nos relations sont en dents de scie, soient courtoises, froides ou tendues. Nous sommes quand même arrivés à une conciliation pour voir l’enfant.
7- Pensez-vous que ces relations puissent évoluer avec le temps ?
Oui, une fois le divorce prononcé et lorsque ses parents mourront et qu’il se sentira alors très seul, il s’apercevra fatalement qu’il a fait une belle erreur.
8- Qu’est-ce qui a été le plus difficile à gérer ?
Le vécu affectif et les questions financières et matérielles ; en effet après son départ, mon mari nous a laissée sans ressource pendant 8 mois, ma fille et moi.
9- Comment votre entourage proche a-t-il réagi à cette nouvelle ?
Mes parents m’ont soutenue, ainsi que mes amis, mais certains de ses amis, ne croyaient pas qu’il ait pu faire cela. Ma belle-s?ur m’a appelé plusieurs fois pour me menacer.
10- Votre ex-conjoint s’est-il servi de l’argent comme objet de pression ?
Non, mais il a fait pire, il a volé des objets de famille d’une grande valeur pour me faire accepter ses conditions de divorce.
11- Votre ex-conjoint s’est-il servi des enfants pour vous faire du chantage ?
Au début non, mais maintenant que nous arrivons en fin de procédure, il menace de ne pas ramener l’enfant quand elle va chez lui.
12- Pensez-vous qu’il tient bien son rôle de père ?
Il a l’air de tenir à sa fille et de l’aimer, mais il la gâte trop, elle revient avec des cadeaux qui remplissent sa chambre, je ne sais plus quoi en faire.
13- Regrettez-vous d’avoir divorcé ?
Je suis contre le divorce par principe, mais j’y ai été contrainte par mon mari, qui a refusé toute réconciliation. Mon mari a préféré nous abandonner plutôt que de couper le cordon avec ses parents.
14- Qui a le plus souffert de ce divorce ?
Mon enfant, lors des séparations, et moi-même. Ma fille fait des cauchemars quand elle rentre de chez son père et refuse de se séparer de moi. Elle est suivie deux fois par mois par un pédopsychiatre pour des troubles du langage, en effet, à presque 3 ans, elle ne parle presque pas.
15- Combien de temps faut-il, Ã votre avis pour se remettre d’un divorce ?
Il faut que le divorce soit prononcé, et puis je suis tracassée par ma fille qui se montre très possessive avec moi et ne supporte pas les séparations.
16- Avez-vous eu recours à un médiateur ? Qu’en pensez-vous ?
Non, je ne sais pas comment cela se passe, quelles sont les démarches à faire.
17- Avez-vous bénéficié des conseils d’amies divorcées ?
Oui, tout à fait, elles m’ont beaucoup aidées, surtout cela aide à relativiser.
19- A votre avis, quelle est la cause la plus fréquente du divorce ?
L’égoïsme des gens, maintenant quand on se marie, on n’accepte pas les concessions, il est plus facile de divorcer que de surmonter une crise.
20- Votre conseil personnel aux femmes qui divorcent :
Avant d’intenter une procédure, il faut tout tenter pour une réconciliation et penser avant tout au bien-être des enfants.
L’avis du psy
Les erreurs à éviter
L’abandon du domicile conjugal
Dans la mesure du possible, les séparations brutales du jour au lendemain sont à éviter. Elles constituent toujours un choc que l’enfant a du mal à surmonter, surtout si son univers familier est brutalement chamboulé : changement de lieu ou appartement vide.
Quand cela arrive malgré tout, le mieux est de parler à l’enfant, qui même petit, peut comprendre que sa mère cherche à le rassurer et à lui expliquer une situation compliquée.
La mise en mots simple et directe sur ce qui se passe, reste pour l’enfant quel que soit son âge, la meilleure façon de limiter le traumatisme d’un bouleversement brutal de son environnement.
Prendre l’enfant comme otage pour contraindre l’autre
Que ce soit du fait du père ou de la mère, prendre l’enfant comme  » otage  » pour obtenir ce qu’il veut lors des négociations, est catastrophique pour l’enfant.
En effet, cela revient à  » le chosifier  » et à le mettre au centre d’un conflit dont il n’est nullement responsable. Ce genre d’attitude extrêmement irresponsable de la part d’un parent nuit réellement à la santé émotionnelle de son enfant.
Dans ce cas, il est préférable d’avoir recours à un médiateur ou au juge pour régler ce genre de rapports de force, afin de préserver au mieux l’équilibre de l’enfant et rappeler aux parents leur mission d’éducation.
Monnayer l’affection de l’enfant par des cadeaux
Submerger l’enfant de cadeaux est un réflexe malheureusement courant chez certains parents qui espèrent ainsi  » acheter  » l’affection ou l’approbation de l’enfant.
L’amour d’un enfant ne s’achète pas, il se gagne, à force de respect, de fidélité et de temps qu’on lui consacre, dans les moments où il a besoin de ses parents, de pouvoir compter sur eux.
En outre, un enfant trop gâté matériellement peut devenir caractériel et capricieux et risque de chercher par la suite, ce mode de relation faussée par le chantage :  » Si tu m’achètes ceci, je serai sage ou je t’obéirai  » etc.. .
Dans tous les cas, tous les cadeaux du monde ne remplacent ni l’affection, ni la disponibilité ni la sincérité d’une véritable relation parents-enfants.
Les bonnes réactions
Négocier avec souplesse
Dans le cas d’Isabelle, elle a toujours essayé d’être conciliante avec le père, mettant son propre intérêt de côté, pour préserver l’enfant du traumatisme dû au départ brutal de son père.
Elle a laissé à son ex-mari plusieurs fois l’occasion de revenir et lui a même proposé de consulter un conseiller conjugal, ce qu’il a toujours refusé.
Ne pas critiquer le père devant l’enfant
Isabelle a eu l’intelligence de ne pas charger son ex-conjoint, mais de s’entendre avec lui sur la garde de l’enfant. Par ailleurs, elle a toujours veillé à ne pas critiquer le père devant l’enfant.
Consulter quand cela s’avère nécessaire
Elle a eu le bon réflexe de consulter un pédopsychiatre quand elle s’est aperçue que son enfant avait des troubles du langage, ce qui permettra de rétablir un apprentissage normal du langage pour l’enfant en difficulté.
Ne pas rester seule
Elle ne s’est pas isolée et a demandé de l’aide à ses parents et amies et dit elle-même que les conseils d’amies ayant vécu la même situation, l’ont beaucoup aidés.
Analyser la situation de crise
Son analyse de la situation du divorce est intéressante : le divorce en tant que crise dans un couple, peut être évité si chacun y met du sien et reconnaît ses torts.
Elle explique bien qu’il est plus facile pour certains de divorcer que de se remettre en question.
Quand il y a absence de remise en question et refus d’affronter la crise, alors le divorce devient inévitable.
Conseil
Pour la survie du couple, la communication réelle et la volonté de rester ensemble, sont les deux conditions indispensables à la construction d’un amour durable.
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