« Papa ! Maman m’a dit que tu ne t’es jamais occupé de moi. Elle dit aussi que tu ne m’as jamais amené à l’école et que tu rentrais tard le soir »
« Maman ! Papa, il dit que tu m’as fait pour ne plus travailler et que c’était juste pour lui prendre son argent »
Le mensonge est une arme très fréquemment utilisée dans le contexte de séparation/divorce.
C’est une forme de manipulation que les femmes autant que les hommes affectionnent. A travers ce mensonge véhiculé par l’enfant, chacun trouve le moyen de faire du mal à l’ex. Malheureusement, en instrumentalisant l’enfant, on ne heurte pas que l’adulte. L’enfant, en première ligne, est celui qui en souffre le plus.
Nous allons nous intéresser à ce parent qui entend son enfant lui exposer le mensonge. Doit-il dire à son enfant que l’autre parent raconte des bêtises et, par là même, le disqualifier. Ou au contraire, doit-il se taire et laisser son enfant croire le mensonge ?
Dans les deux cas, l’enfant est lésé et finira par penser que l’un des deux parents est moins compétent et moins fiable. Cela entrainerait, si la situation devenait répétitive, une absence de confiance en ses deux parents. L’enfant ne saura plus vers qui se tourner car il aura toujours un doute sur qui ment. Cette situation où l’enfant est au milieu des mensonges n’est donc pas anodine. Elle doit être évitée le plus possible.
Pour commencer, il faut entendre que lorsqu’un enfant ose dire à son parent que l’autre parent a dit ceci ou cela sur lui, c’est d’abord un bon signe.
C’est que l’enfant lui fait suffisamment confiance pour lui dire des choses difficiles. Il compte également sur lui pour l’aider à se forger une opinion. L’enfant vient ici déposer son incompréhension. Et, il s’agit de faire de son mieux pour ne pas le décevoir.
Un enfant s’identifie à ses deux parents. Même quand il est en colère ou rejette l’un des deux, il s’identifie, … par opposition, mais il s’identifie.
C’est justement pour cette raison que le parent victime de mensonge est piégé.
Que dire ?
La vérité au risque de rajouter un nouveau malaise dans la tète de son enfant ou le laisser penser une chose négative et erronée sur l’un de ses parents .
Tout d’abord, il faut rétablir la vérité. L’enfant ne doit pas se retrouver avec un bug dans le continuum de son histoire. Le laisser avec des mensonges sur son passé, c’est transformer son histoire, ses émotions en tentant d’effacer et de remplacer. Or, l’enfant, pris dans le mensonge de ses parents, se retrouve à vivre en décalage avec lui-même, avec son histoire. Il est comme posé dans une histoire parallèle qui ressemble à la sienne mais qui ne l’est pas.
On doit donc rétablir la vérité, mais pas n’importe comment !
– On ne peut donc pas dire que maman (papa) ment !! Malheureusement, c’est le réflexe de la majorité des parents. Il ne s’agit pas ici de se culpabiliser et de s’en vouloir. Un parent n’est pas un psy. Il n’est pas naturellement formé pour se défendre d’attaque mensongère de l’autre parent.
– On tente alors de faire preuve de créativité. Au lieu de dire maman a menti, on dit « je suis étonné, écoute je n’ai pas les mêmes souvenirs que ceux de maman. Moi, je me souviens très bien de ces vendredis où… et de ces parties de ballon… et de ces mercredis entre nous. Tu t’en souviens ? ».
– Le « tu t’en souviens ? » est important car on fait appel à sa mémoire, à son histoire et non plus à une vérité énoncée. L’enfant fait l’effort d’aller chercher en lui ce qui lui appartient. Il est fort probable qu’il ne souvienne pas (car trop petit) mais ce n’est pas grave, il aura eu votre version qui correspond à sa vraie histoire !
Vous pouvez aussi faire appel aux photos et aux vidéos pour passer un bon moment avec l’enfant autour de votre relation. Attention à ne pas lancer, l’air de rien des petites phrases du type « tu vois que j’ai raison. Tu vois bien qu’on a fait des trucs ». Non, on partage simplement des souvenirs ensemble car c’est aussi l’occasion « d’être ensemble ».
Ainsi, on dément ce que l’autre parent a dit sans le dénigrer. On dit que ce sont des souvenirs différents et non pas une vérité. Je sais que cela demande un grand effort de ne pas rendre à l’autre sa méchanceté, mais il s’agit ici de préserver l’enfant.
Par exemple, un papa dit à son enfant que maman n’a pas voulu la résidence alternée alors que lui, la voulait désespérément. Ici, le papa omet de dire qu’il est parti, alors qu’il n’y était pas contraint, à 60 km empêchant par conséquent la mise en place de ce mode de garde. Ici, également, on ne dira pas à son enfant que papa ment ou manipule. On dira « papa a raison ! Je n’étais pas d’accord avec la RA car ton papa habite à 60 km. Cela voudrait dire – ou 2 heures de route A/R pour aller à l’école – ou te retrouver dans deux écoles. Dans les deux cas, ça aurait été trop difficile et fatiguant pour toi. Qu’en penses-tu ? En tout cas, si maman et papa habitent un jour plus prêt l’un de l’autre, on en rediscutera ».
Enfin, et pas des moindres, l’enfant devient un messager lorsqu’il répète les dires de son autre parent. Le messager est toujours le plus exposé. Il se retrouve à devoir faire face aux émotions des parents : la colère, l’indignation, la honte, le dégoût… etc. Et puisqu’il est le messager, il pense qu’il en est responsable ! Maîtrisez donc votre réaction à l’entente du mensonge. Tentez de montrer à votre enfant que cela ne vous atteint pas plus que cela. En dédramatisant, vous l’aidez ainsi à ne plus se sentir pris dans un conflit de loyauté, entre sa mère et son père
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